Le restaurant du chef Sylvain Sendra porte-il bien son nom ?
Itinéraires avec un S comme ses propres initiales ou avec la volonté de nous mener
non pas sur la route principale mais sur des chemins de traverse, quitte à prendre
le risque de nous voir rebrousser chemin, en nous tirant autant hors des sentiers battus ?
Au premier abord, la feuille de route parait claire et précise.
Façade sobre, noire ardoisée, décoration revue et corrigée
depuis cet automne dans un esprit consensuel, sobre et moderne.
Banquettes confortables, quelques tables rondes intimes, nappes blanches empesées,
dans une harmonie de beige crème et blanc lumineux qui crée une ambiance calme.
La pièce est réchauffée par une belle cave à vins encastrée recelant
200 références classiques ou nature, en allant s’échapper belle vers l'Italie ou l'Espagne.
Les Fromages des maisons Bordier et Trotté s'exhibent sous cloche,
en attendant d’être choisi par le client gourmet, en mal de vertes prairies gustatives.
Le service se fera sans heurt, ni fracas, nous menant à bon port de l'entrée au dessert.
J'ai apprécié qu'il soit non obséquieux, avenant, rapide et précis.
Un rapide coup d’oeil sur la carte et le menu et notre choix se portera sur l'exercice le plus difficile, le menu déjeuner du jour en fonction de la saison et du marché,
au meilleur rapport qualité-prix,
soit 29 euros pour deux plats et 35 euros pour trois plats.
Les vins au verre sont rassemblés dans une carte courte, pointue et suggestive,
avec une présentation cosy et soignée.
Un verre de médoc, 2002, La Tour de By équilibré, de belle robe couleur rubis,
et une finesse des tanins me tiendra la main sur ce parcours gustatif.
Avant l'arrivée des plats, vous êtes accueillis, en chemin par une excellente huile d'olive
aux parfums herbacés et d'artichauts, à associer sans prétention,
au pain d'exception de Monsieur Poujaran.
L'amuse-bouche sera mitigé avec une terrine de volaille au foie gras et sa vinaigrette,
car la texture parfaitement fondante du foie ne fera pas oublier celle bien plus pâteuse
et fade des viandes de volaille, à peine rehaussé par le flocon de sel.
Déclinaison autour du Topinambour, en glace, chips, cru, oeuf frit en chapelure,
vinaigrette de pamplemousse et huile de noisettes.
Salade très fraîche avec une agréable surprise en bouche grâce à la glace de topinambour,
ni salée, ni sucrée, une belle pointe d'acidité par l'agrume mais l'oeuf n'est pas à sa place
et "plombe" la légèreté du plat et son coté ultra-végétal.
Gratin de Courge, écume de parmesan et muscade de Gérard Vives
La courge est travaillée en chips longues qui apportent du croquant, mais
surtout en purée alors que l'on s’attendrait à de la mâche pour contrebalancer
l’écume épaisse de parmesan qui fond sous le palais.
Le visuel est peu avenant et le gout monotone, malgré l'excellente muscade de G.Vives .
Risotto à l'encre de seiche, palourde, moule et condiment de citron
Très beau visuel, cuisson parfaite du riz, la pointe d'acidité idéale
qui réveille les papilles et une vraie écume légère .
Une belle réussite !
Pot au feu de paleron servi rosé, bouillon de légumes d'hiver
infusé dans la sauge et du thym.
C'est une explosion de couleurs légumières avec de la crapaudine traitée en pickles,
du chou au gout fumé au poireau crayon d'un vert tendre.
Mais aussi un joli geste rituel en versant le bouillon dans le creux de l'assiette
(pas assez chaud, un peu trop sucré, avec du croquant par le sésame) .
La viande est forte en saveurs animales et tendre comme la cuisse d'un nouveau-né,
elle ne sera pas rehaussée par le condiment à la citronnelle, également trop sucré
alors que j’attendais de l'acidité.
Ce plat est déstabilisant, car il est traité en aigre-doux avec un bouillon sucré
et une pointe de fumé. Trop de saveurs se mélangent et s'opposent .
Je l'ai vécu comme une expérience gustative par la qualité irréprochable des produits
(Hugo Desnoyers pour la viande et l'artiste potager, Yamashita Asafumi)
mais cela ne m'a pas donné envie d'y revenir.
Les Desserts ...
Salade d'agrumes et de litchis, mirliton à l'orange amère
Des fruits frais, de la glace au citron onctueuse, un petit gâteau
avec une pointe d'amertume et très peu, voir pas de gout sucré.
Simple et efficace !
Un Mont Blanc revisité avec sa coque de meringue.
Le visuel rappelle celui du Mont blanc mais n'est pas très heureux,
La surprise est dans le premier coup de cuillère, quand elle se cogne le bout
de la langue contre la fraîcheur incongrue du concombre en petits dés.
Un dessert difficile à aborder, comme un virage en épingle mais qui perd en gourmandise !
le Baba au Rhum arrangé, chantilly à la vanille et glace vanille bourbon
(dans la carte, 13 euros)
De nouveau le rituel du Rhum versé sur le baba à sec ce qui ne lui permet pas
d'en être suffisamment imprégné en bouche.
La texture du Baba est parfaite mais pas assez enrobée de "gelée"
pour être agréable et gourmand.
La chantilly est totalement non sucrée, ce qui commence à être pénible.
Seule la glace à la vanille avec son petit croquant emportera mon adhésion complète.
Le café est servi avec des mini-financiers, trop cuits et secs, des macarons cassis-chocolat
sans gout prédominant et des guimauves moelleuses (parfaites) mais qui n'arriveront pas
à effacer la déception des desserts.
Le mot de la fin appartient à un maître de la musique au parcours prodige
"Il faut toujours que de la tête au coeur, l'itinéraire soit direct."
Yehudi Menuhin
12 commentaires:
Tu m'as devancé ! Mais je dois dire que tu as été très honnête (je n'en doutais pas) dans ton appréciation des plats et du lieu. L'itinéraire du ressenti et du raisonnement est argumenté. Je posterai mon expérience bientôt...
Très belle critique, bien illustrée et joliment racontée, bien que trop sévère à mon goût :)
La mienne suivra celle de Laurent, plus tard je le crains, je suis partie dans ma saga bretonne pour un moment…
Je ne me suis pas sentie à l'aise avec certaines interprétations de plats ou devant des choix d'associations de saveurs mais cela n'engage que moi et mes papilles
Par contre il serait intéressant de parcourir la carte pour explorer d'autres facettes de ce chef ...aventureux du gout !
j'ai surtout apprécié l'excellence des produits, la justesse des cuissons pas forcement certains visuels ou saveurs inédites associées entre elles.
Perso je suis fan! Une de mes adresses preferées! Mais je pense qu'ils abusent maintenant avec les prix! Avant ca n'était pas aussi cher! Maintenant le soir, c'est menu imposé...
Neva m'avait procuré le même plaisir mais ca fait longtemps que je ne suis pas allée chez Itineraires et j'aurai plaisir à y retourner!
il n'y a plus que 35 couverts mais la brigade est plus étoffée, le cadre plus luxueux ...cela se paye !
Très critique en effet, mais l'esthétique et la saveur étant affaire de goût... je ne suis pas insensible au visuel de la courge parmesane par exemple. Et je craque complétement pour l'oeuf pané-frit !
l'oeuf pané est en lui même bien exécuté mais faisait un peu poids lourd devant tant de légèreté légumière ... et puis cela fait le troisième restaurant que je fais en 6 mois où dans le menu du jour, on retrouve l'oeuf traité de cette façon !!
la critique n'est pas forcément négative ...elle permet d'avancer!
Allant très rarement au restaurant, j'apprécie ta critique directe et sincère. Je suis rarement ébloui par les desserts et c'est vraiment dommage car c'est une des dernières impressions.
Merci une des 3 Soeurs ! pour moi aussi le dessert c'est important !
j'aime bcp cet endroit et le parcours du chef. cette adresse reste une valeur sure à Paris et le chef va encore progressé.
Ca donne envie...Même si vous ne semblez pas complètement convaincus : )
Il était une fois un menu à 39 euros... Il était une fois un restaurant rempli, difficile à trouver une place, toujours complet...
Tout cela a disparu, la modernité est passé par là, laissant orphelin des clients qui l'aiment bien cet endroit un peu magique juste à coté de la Seine et de Nôtre Dame...
Sylvain Sendra c'est un bon chef, c'est normal, or il est moins bon en marketing... faire du Ducasse pas tout le monde est capable.
Clo Clo
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